Ego Daemonium Non Habeo

Note : Ce sermon de l’abbé Pierre Roy a d’abord été publié sur le site Canada Fidèle le 8 mai 2017.

Au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit. Ainsi soit-il.

Le premier dimanche de la Passion, l’Eglise met sur nos lèvres un passage très significatif de la vie de Notre-Seigneur Jésus-Christ. Il s’agit du moment où les Juifs demandent à Jésus s’il n’était pas possédé d’un démon.

« Les Juifs lui répondirent: « N’avons-nous pas raison de dire que vous êtes un Samaritain et que vous êtes possédé du démon? » Jésus répondit: « Il n’y a point en moi de démon; mais j’honore mon Père, et vous, vous m’outragez. » Jean, 8, 48-49 « Alors ils prirent des pierres pour les lui jeter; mais Jésus se cacha, et sortit du temple. » Jean, 8, 59

Aujourd’hui devant la Passion de l’Eglise catholique, certains sont tentés de poser la même question à l’Eglise : « N’êtes-vous pas possédée d’un démon ? » Comme son divin époux, la Sainte Eglise peut répondre : « Ego daemonium non habeo, sed honorifico Patrem meum. » « Je n’ai pas de démon, mais j’honore mon Père et vous vous m’outragez. »

Oui, ces quelques lignes se rapportent à la Lettre du district du Canada de la Fraternité Saint-Pie X du mois d'avril 2017. Elles n’ont pas pour but de jeter du discrédit sur son auteur, puisqu’il avoue lui-même que sa comparaison est un peu forte, mais d’approfondir un peu les questions qu’elle soulève et d’apporter des réflexions à quelques fidèles qui ont été perplexes en lisant cette lettre.

L’Eglise officielle et l’Eglise Catholique

De même que l’Esprit-Saint a animé le Fils de Dieu pendant tout le cours de sa vie terrestre et que celui-ci ne pouvait être l’hôte d’un esprit impur, mais ne recevoir que des assauts venant de l’extérieur, la véritable Eglise de Notre-Seigneur Jésus-Christ ne peut être possédée du démon. Si nous voyons une entité qui apparaît possédée de Satan, il faut nous poser la question de savoir si nous avons vraiment affaire à la véritable Eglise catholique ou à une autre Eglise. Avec Mgr Lefebvre, il faut dire :

« L’Eglise qui affirme de pareilles erreurs est à la fois schismatique et hérétique. Cette Eglise conciliaire n’est donc pas catholique. Dans la mesure où le Pape, les évêques, prêtres et fidèles, adhèrent à cette nouvelle Eglise, ils se séparent de l’Eglise catholique. L’Eglise d’aujourd’hui n’est la véritable Eglise que dans la mesure où elle continue et fait corps avec l’Eglise d’hier et de toujours. La norme de la foi catholique, c’est la Tradition. La demande de S. Exc. Mgr Benelli est donc éclairante : soumission à l’Eglise conciliaire, à l’Eglise de Vatican Il, à l’Eglise schismatique. » (Quelques réflexions à propos de la “suspens a divinis”, 29 juillet 1976)

«Ces derniers temps, on nous a dit qu’il était nécessaire que la Tradition entre dans l’Eglise visible. Je pense qu’on fait là une erreur très, très grave. Où est l’Eglise visible ? L’Eglise visible se reconnaît aux signes qu’elle a toujours donnés pour sa visibilité : elle est une, sainte, catholique et apostolique. Je vous demande : où sont les véritables marques de l’Eglise? Sont-elles davantage dans l’Eglise officielle (il ne s’agit pas de l’Eglise visible, il s’agit de l’Eglise officielle) ou chez nous, en ce que nous représentons, ce que nous sommes? Il est clair que c’est nous qui gardons l’unité de la foi, qui a disparu de l’Eglise officielle. Un évêque croit à ceci, l’autre n’y croit pas, la foi est diverse, leurs catéchismes abominables comportent des hérésies. Où est l’unité de la foi dans Rome ?» (Retraite sacerdotale, 9 septembre 1988)

 

Deux religions distinctes

Nous sommes bien en présence de deux religions distinctes. Comment le savoir ? Il suffit de regarder les fondateurs de ces deux réalités, de comparer la doctrine de l’Eglise officielle et la doctrine de l’Eglise catholique, de mettre côte à côte leurs principes moraux, d’apprécier enfin les buts qui animent ces deux sociétés.

Différents fondateurs

Ces deux sociétés ont des fondateurs distincts. La véritable Eglise est sortie du côté percé de Notre-Seigneur le Vendredi-Saint. Elle est née d’une source pure et divine qui ne pourra jamais être souillée, malgré les tentatives de ses ennemis, par aucun poison d’erreur et de mensonge.

L’Eglise de Vatican II est au contraire née dans les officines secrètes de la Franc-Maçonnerie. Elle est toute entachée d’erreurs, de déception et de blasphèmes.

Différentes doctrines

L’Eglise Catholique a une doctrine sainte et immuable. Elle nous enseigne à adorer Jésus-Christ comme le seul Seigneur et Maître de toutes choses. Tu solus Sanctus, Tu solus Dominus, Tu solus Altissimus, Jesu Christe. Elle a pour doctrine l’unicité de la vraie religion Credo unam Ecclesiam et se manifeste par l’évangélisation des peuples.

L’Eglise officielle au contraire nous enseigne que toutes les religions se valent après tout. Elle a pour doctrine l’indifférentisme religieux et se manifeste par les réunions interreligieuses chères à ses pontifes.

Différentes morales

L’Eglise Catholique a toujours défendu fidèlement les Commandements de Notre-Seigneur Jésus-Christ dans leur intégrité. Elle enseigne que la conscience humaine n’est pas la règle absolue de l’agir humain, mais que cette conscience doit elle-même avoir pour règle le Décalogue et les Préceptes ecclésiastiques.

L’Eglise officielle prétend que chaque personne a sa propre notion du bien et du mal, et que le rôle de ses prêtres est d’aider chacun à suivre la notion qu’il a du bien et du mal. Par conséquent, elle invite volontiers chaque homme à se poser la question de savoir s’il est en paix avec lui-même dans ses actes. Si c’est le cas, elle lui ouvre la porte des choses les plus saintes, les Sacrements.

Différents buts

L’Eglise Catholique a pour fin le salut des âmes. Elle cherche à faire entrer le plus d’hommes possible dans l’arche du salut. Elle sait que les eaux de ce monde submergeront un jour ou l’autre ceux qui boivent à leur source empoisonnée, aussi ne se soucie-t-elle pas en premier lieu de l’écologie et de la sauvegarde de la planète.

L’Eglise officielle a un but tout humain : un monde plus juste, plus égal, plus fraternel. La pollution et la guerre sont ses pires ennemis, les péchés qu’elle combat avec le plus d’ardeur. Elle a des cauchemars quand elle songe à la solitude des personnes âgées et le manque d’emploi des jeunes, mais n’a pas peur de voir trôner Bouddha sur le tabernacle d’Assise.

Nous sommes donc en présence de deux religions distinctes. Deux sacrifices, deux sacerdoces, deux notions différentes du salut, des moyens différents pour y arriver.

 

Une Eglise possédée ?

L’Eglise Catholique est-elle possédée par un démon qui a pour nom l’Eglise Conciliaire ? On peut supposer que la Vierge Marie a bien choisi ses mots en parlant plutôt d’une éclipse. Lors d’une éclipse, la lune n’entre pas dans le soleil, mais se met devant lui et le cache. Le soleil n’a rien perdu de sa clarté, de sa lumière, de son éclat, de sa pureté incandescente, mais la lune les cache de la vue des hommes, et tant que la nature n’enlève pas cet obstacle, un homme non averti pourrait croire que le soleil a perdu ses propriétés.

Prétendre que l’Eglise officielle est à la fois l’Eglise catholique et l’Eglise conciliaire serait un non-sens et contraire à la réalité. En effet, quand entend-on les autorités officielles de l’Eglise parler en catholiques ? Quand les entend-on défendre le dogme «Hors de l’Eglise point de salut ?» Quand font-elles partie de l’Eglise qui condamne les principes erronés de Vatican II ? Que l’on voie encore percer ça et là un peu de la lumière du soleil à tel ou tel moment de l’éclipse n’enlève rien au fait que les autorités actuelles de l’Eglise officielle ont pour principes directeurs dans leur enseignement quotidien les erreurs conciliaires plutôt que les principes catholiques. Comme l’hérétique, qui peut bien professer telle ou telle vérité de la Foi Catholique, a cependant perdu dans sa totalité la Foi Catholique parce qu’il n’a pas la Foi Surnaturelle, ces autorités n’ont pas la Foi Catholique, ils ont la foi conciliaire. « La foi catholique est d’une force et d’une nature telle qu’on ne peut rien lui ajouter, rien lui retrancher : ou on la possède tout entière, ou on ne la possède pas du tout. » Benoît XV, Ad beatissimi

Quand nous considérons les autorités actuelles qui siègent sur les chaires de nos saints évêques du passé, on peut légitimement se poser la question de savoir si on a affaire aux successeurs des pontifes défunts. Ces gens sont-ils les représentants de l’Eglise Catholique ? Sont-ils au contraire les représentants de l’Eglise Conciliaire ? Sont-ils les représentants à la fois de l’Eglise Catholique et de l’Eglise Conciliaire ? D’une Eglise Catholique qui est possédée par le démon conciliaire ?

Si l’Eglise Catholique peut être possédée par un corps étranger, elle pouvait donc l’être à n’importe quel moment de son histoire… Comment alors les fidèles ont-ils pu savoir s’ils avaient affaire à l’Eglise « qui n’a pas de démon » ou s’ils avaient affaire à une Eglise possédée d’un démon ? Il semble donc vraiment que le terme d’Eglise éclipsée soit plus convenable que celui d’Eglise occupée.

L’Eglise conciliaire – plutôt qu’un démon qui possède l’Eglise Catholique – ne serait-elle pas après tout l’équivalent de la pierre qui fut roulée sur le tombeau du Christ et qui laissa à tous les assistants l’impression que Celui qui avait dit « Je suis la vie » (Jean XIV, 16), avait en réalité terminé son existence dans la mort comme le reste de ses semblables? Cette pierre fut roulée avec fracas par les anges et laissa place à un tombeau vide.

 

Conclusion

Laissant au Seigneur le soin d’éclaircir ce mystère plus avant, nous voulons quant à nous faire partie de cette Eglise qui peut dire : « Ego daemonium non habeo », « je n’ai pas de démon, mais j’honore mon Père, et vous vous m’outragez. » 

Nous acceptons volontiers d’être d’une Eglise qui est cachée derrière la pierre froide et morte du tombeau car nous croyons que cette pierre sera roulée et que ceux qui s’empressent pour lui donner les honneurs dus aux défunts se trouveront devant des êtres lumineux qui leur diront : « Vous, ne craignez pas ; car je sais que vous cherchez Jésus qui a été crucifié. Il n’est point ici ; il est ressuscité comme il l’avait dit. Venez, et voyez le lieu où le Seigneur avait été mis ; et hâtez-vous d’aller dire à ses disciples qu’il est ressuscité des morts. Voici qu’il va se mettre à votre tête en Galilée ; là, vous le verrez ; je vous l’ai dit. » Matt. 28, 5-7

Au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit. Ainsi-soit-il.